Si notre approche innovante de l'évaluation de la performance en tennis à déjà été décrite dans un précédent article, nous avons tenu a aller plus loin dans l'explication d'un des outils utilisé pour témoigner de l'impact de la fatigue mentale sur les performance de Lucas Catarina : l'eye tracking.
L'eyetracking, qui à longtemps été éloignée des domaines de mouvements dynamiques (comme l’activité physique et le sport) à cause de l’encombrement qu’il nécessitait, à vu une amélioration rapide de sa technologie dans les dernières décennies.
Cette évolution nous a permis d’avoir accès à de nouvelles données grâce à des outils plus précis et plus accessibles. Une réelle opportunité pour nous d’éloigner les recherches du laboratoire et de les ouvrir au terrain, se rapprochant au plus près de l’athlète et de ses conditions de pratique (Discombe et al. 2015).
Pour cela, le système de mesure doit impérativement répondre à deux pré-requis. Pouvoir :
Plusieurs indicateurs sont déjà connus et définis comme :
Les fixations sont considérées comme les périodes où l’œil reste relativement immobile afin de permettre la perception visuelle (Holmqvist et al. 2011). Elles sont très courtes (entre 200 et 300 ms) et permettent de mesurer l’attention (Duchowski, 2002 ; Vickers, 2009 ; Bojko, 2013). Une hypothèse principale est que lorsqu’un agent fixe un objet, cela défini également le point d’attention de cet agent.
Les saccades sont quant à elles des mouvements extrêmement rapides (entre 30 et 80 ms) permettant de passer d’une fixation à une autre (Kowler, 2011). Elles permettent ainsi au sujet de définir son environnement plus ou moins précisément.
Toujours d’après le même auteur, les poursuites lentes sont des mouvements involontaires qui permettent de suivre un objet qui se déplace (une balle de tennis par exemple).
La nictation représente le clignement de paupière. Cet indicateur est largement associé à la fatigue.
L’utilisation d’outils d’eyetracking a largement été utilisé dans le domaine sportif pour identifier et différencier le niveau d’expertise dans une tache ou une discipline d’un ou de plusieurs athlètes. En effet, un niveau élevé de l’athlète est caractérisé par une économie du comportement du regard ("gaze behavior"). Cette habileté est caractérisée par un terme en tennis : le « quiet eye ». Cela est basé sur une location optimale du focus oculaire et défini une capacité à détecter l’information critique avant que le geste ne doive être initié.
Les experts n’ont pas besoin de tout voir, ils ont l’aptitude de ne détecter que la bonne information, au bon moment. Cela leur permet de ne pas saturer leur système cognitif tout en maintenant un geste en adéquation avec la situation.
Pour notre cas d’étude, l'ensemble des données récoltées par l'eyetracker peuvent donc nous servir à évaluer : le niveau d’expertise, les défauts d’attention, les erreurs d’évaluation des trajectoires, la coordination entre la vision et le geste ainsi que l’état de fatigue dans lequel se trouve notre athlète au moment du test.
Néanmoins, dans un but d’optimisation de performance individualisée et poussée, Sporttesting a renforcé l’analyse afin de déterminer les stratégies visuelles mises en place pour en faire ressortir des patterns de réussite et d’échec pour des tâches très spécifiques comme le service. Il a donc été possible de détecter des récurrences dans les enchainements de mouvements oculaires notamment quand l’athlète échouait dans la réalisation de son service. Grâce à ces données fournies au joueur mais également à son entraineur, ce dernier va pouvoir mettre en place des stratégies pour permettre à l’athlète d’être dans les meilleures conditions.
Pour exemple : si un des schémas repérés après induction de fatigue mentale est une baisse dans la durée de fixation de la zone à viser, une stratégie intéressante à mettre en place serait une instruction de l’entraineur induisant un focus sur cette partie du geste. Cela pourrait également être une source de reprise de confiance lors de compétition dans le cas d’un premier échec au service. Ces données vont donc permettre à l’athlète de mieux se connaître et ainsi d’avoir plus de clés pour optimiser sa performance et améliorer son jeu.
Et vous ? Avez vous déjà cherché à mesurer pour optimiser les mécanismes impliqués dans la diminution des performances en fin de match ?
Bojko, A. (2013). Eye tracking the user experience. New York: Rosenfeld.
Discombe,R., & Cotterill S (2015). Eye tracking in sport: A guide for new and aspiring researchers. Sport & Exercise Psychology Review, Vol. 11 No.2.
Duchowski, A.T. (2002). A breadth-first survey of eyetracking applications. Behavior, Research Methods, Instruments & Computers, 34(4), 455–470. doi:10.3758/BF03195475
Feng, G. (2011). Eye tracking: A brief guide for developmental researchers. Journal of Cognition and Development, 12(1), 1–11. doi:10.1080/15248372.2011.547447
Holmqvist, K., Nyström, M., Andersson, R., Dewhurst, R., Jarodzka, H. & Van de Weijer, J. (2011). Eye tracking: A comprehensive guide to methods and measures. New York: Oxford University Press
Kowler, E. (2011). Eye movements: The past 25 years. Vision Research, 51(13), 1457–1483. doi:10.1016/j.visres.2010.12.014
Vickers, J.N. (2009). Advances in coupling perception and action: The quiet eye as a bidirectional link between gaze, attention, and action. Progress in Brain Research, 174, 279–288. doi:10.1016/S0079-6123(09)01322