La première loi de la thermodynamique, également connue sous le nom de loi de conservation de l'énergie, stipule que l'énergie ne peut être ni créée ni détruite : elle peut être convertie d'une forme en une autre (travail, chaleur) mais la quantité totale d'énergie reste invariable. Ce qui veut dire que contrairement aux idées reçues, et conformément à cette loi, les filières énergétiques ne créent pas d'énergie. L'énergie est transférée d'un état à un autre.
Par exemple, nous obtenons des électrons de la nourriture que nous mangeons et de l'oxygène de l'air que nous respirons, les électrons et l'oxygène se rencontrent dans les mitochondries (souvent appelées la « centrale énergétique » de la cellule) pour transformer l'énergie libre en une forme que nous pouvons utiliser dans notre corps. Plus la capacité de notre système énergétique est élevée, mieux nous pouvons transformer l'énergie libre en une forme utilisable, l’ATP (Adénosine Tri Phosphate), c’est la molécule porteuse d'énergie dans les cellules et c’est grâce à cette molécule que nos muscles se contracte. Les réserves intramusculaires d’ATP sont très faibles, alors pour produire de l’ATP, l’organisme va utiliser les substrats issus de l’alimentation (glucides, lipides, protéines).
Quand on parle de filières énergétiques, on entend souvent parler de deux modes de production d'énergie : anaérobie et aérobie. Le premier peut être divisé en la voie du phosphagène (ATP et phosphocréatine) et de la glycolyse, qui se produisent en l'absence d'oxygène (ce qui n'est en réalité pas vraiment le cas) et le second peut être classé comme la voie oxydative, ce qui signifie que l'oxygène est nécessaire à sa fonction.
Ce modèle montre que tous les systèmes énergétiques fonctionnent en même temps, du moins sur les premieres secondes de l’effort, avec des contributions différentes. Ce modèle dit que de 0 à 15 secondes, nous utilisons principalement les réserves de phosphagène « anaérobie alactique » (avec une petite contribution du système glycolytique et oxydatif), puis après 15 secondes jusqu'à 2 minutes, nous comptons sur le système glycolytique « anaérobie lactique », jusqu'à ce que nous passions finalement à compter uniquement sur les processus oxydatifs « aérobie » pour produire de la puissance. La limite de ce modèle est qu’il stipule que les processus aérobie et anaérobie se produisent indépendamment les uns des autres. En réalité, toutes les filières sont liées.
Nous commencerons d'abord par parler de la filière des phosphagènes, puis de la filière glycolique, de la filière oxydative et enfin nous évoquerons la mise à jour du modèle des filières énergétiques.
La filière des phosphagènes représente les sources d'énergie immédiates. La source majeure de cette filière est l'ATP, qui est souvent appelé la « monnaie énergétique du corps ». Dans le processus cyclique de la contraction musculaire, l'ATP est continuellement décomposée pour libérer l'énergie stockée, puis reconstitué. Le processus de décomposition de l'ATP s'appelle l'hydrolyse et le processus de reconstitution se produit par phosphorylation. L'hydro dans l'hydrolyse fait référence à l'eau, et le « phospho » dans la phosphorylation fait référence à un phosphate qui est une particule chargée qui contient le phosphore minéral. La réaction d'hydrolyse de l'ATP s’écrit : ATP + H2O → ADP + Pi.
La seconde source d’énergie de cette filière est la phosphocréatine, abrégée comme PCr (ou créatine phosphate abrégée comme CP). Dans un muscle au repos, il y a environ 5 à 6 fois plus de phosphocréatine qu'il n'y a d'ATP. Au sein des muscles, la PCr fournit la réserve de phosphate nécessaire à la régénération de l'ATP à partir de l'ADP. La réaction entre PCr et ADP est catalysée par l'enzyme créatine kinase dans la réaction suivante : PCr + ADP → ATP + C.
La troisième source d'énergie immédiate dans le muscle implique l'enzyme myokinase (qu’on appelle aussi adénylate kinase). Elle génère 1 ATP à partir de 2 ADP dans la réaction suivante : ADP + ADP → ATP + AMP
Pour durer dans l’effort, ces sources d’énergies immédiates ne suffisent pas car leur elles ne génèrent pas assez d’ATP, la cinétique de dépense est rapide et les réserves sont faibles. C’est pourquoi lors d’effort prolongé nous avons besoin d’autres filières pour maintenir la production d’énergie nécessaire à la contraction.
Les sources d'énergie de la filière glycolitique sont le glucose et le glycogène, qui sont décomposés respectivement au cours du processus de glycolyse et de glycogénolyse.
La réaction est la suivante : Glucose + 2 ADP + 2 Pi → 2 ATP+ 2Lactate + 2 H2O.
Dans les muscles squelettiques, la concentration de glucose libre est très faible, donc la majeure partie de l'énergie de cette filière provient du glycogène. Cependant, les réserves de glycogène musculaire sont relativement faible, c’est ce qui limitera cette filière.
La quantité d'ATP généré par la filière glycolitique est plus importante que la filière des phosphènes, mais cela représente encore qu'une petite fraction de l'énergie totale. Le plus grand pourcentage d'énergie disponible provient de la filière oxydative.
Les différentes voies du système oxydatif sont le cycle de Krebs ou la bêta-oxydation. Dans ce système, les glucides et les lipides sont les principales sources d'énergie et ils sont convertis en ATP dans les mitochondries de la cellule.
Les ressources d’énergie utilisé par cette filière sont globalement illimitées (pour les lipides les réserves sont très grandes dans le corps humain et pour les glucides, ils peuvent provenir du glycogène mais aussi d’un apport exogène par des gels ou de la boisson énergétique). De plus, du fait d’un processus d'oxydation plus long et plus complexe, il y a une plus grande opportunité pour la transduction d'énergie de se produire (l’oxydation du glucose par la voie glycolitique produit 2 ATP contre 36 ATP par la voie oxydative), ainsi cette filière à la plus grosse capacité de production d’énergie.
La réaction à partir du glucose est la suivante : Glucose + O2 → 36 ATP + H2O + CO2. L’oxydation des lipides produit quant à elle, 129 ATP.
Pour rappel, l’ancien modèle faisait une distinction stricte entre les deux modes de production d'énergie dont nous avons déjà parlé, glycolitique et oxydatif (plus communément appelé anaérobie et aérobie). Ce modèle propose que les processus aérobie et anaérobie se produisent indépendamment l'un de l'autre, c'est-à-dire qu'à un moment donné, nous fonctionnons soit en aérobie, soit en anaérobie.
En réalité, les filières énergétiques oxydatives et glycolitique fonctionnent toute pour renforcer les niveaux de PCr et d'ATP entre les contractions musculaires. Toutes les filières se chevauchent et la période dans laquelle elles fonctionnent est de 0 à 100 millisecondes.
Dans les 0 à 15 ms suivant la contraction musculaire, la PCr est décomposée pour resynthétiser l'ATPafin de permettre les contractions musculaires, ici il n’y a pas de grandschangements par rapport à l’ancien modèle.
Afin de soutenir les contractions, nous avons besoin d'un approvisionnement énergétique glycolitique. Cependant, nous rencontrons un problème étant donné que les intermédiaires glycolytiques (glucose) dans un muscle sont limités. C'est là que nous devons nous appuyer sur les nouvelles preuves biochimiques, qui montrent que la glycogène phosphorylase peut augmenter rapidement son activité et, par conséquent, le glycogène peut être décomposé pour restaurer la PCr nécessaire pour maintenir les contractions car l'ATP provenant de la dégradation du glycogène et de la glycolyse restaure la PCR. Il y a production de lactate.
Le glycogène utilisé pendant l’étape 2 est resynthétisé à partir de l'ATP produit par l'oxydation du lactate. Cependant, les capacités d’oxydation du lactate sont limitées, ce qui explique l’accumulation du lactate dans les cellules musculaires.
Ce modèle est appelé « glycogène shunt » (Shulman et al., 2001), ou détournement du glycogène en français, et sa fonction physiologique est de fournir une libération rapide d'énergie nécessaire pour soutenir les contractions musculaires de l'ordre de 20 à 100 ms.
Attention aussi aux faux raccourcis qui peuvent être fait à cause de la vision aérobie/anaérobie. Effectivement, l’intensité à la PMA ou la VMA ne doit pas être uniquement associé au terme « aérobie ». La PMA ou VMA est bien liée à une consommation maximum d’oxygène mais cela ne signifie pas que l’énergie est uniquement de source aérobie. Il faut bien aussi garder à l’esprit que la PMA ou VMA dépend du protocole de test réalisé.
- L'oxygène est toujours présent, par conséquent, tout entraînement est aérobie, et les termes de seuils aérobie et anaérobie ne font plus vraiment sens. Dans le corps humain, il y a des processus qui sont indépendant de l’oxygène pour fonctionner mais il n’y a jamais de processus qui ont lieu en l’absence d’oxygène.
- Le lactate est toujours présent, par conséquent, tout entraînement est «lactique». Le lactate n'est pas responsable de la fatigue, c'est plutôt une source de carburant.
- Les systèmes d'oxygène et de phosphocréatine (PCr) sont liés. Lorsque l'effort commence, l'oxygène et la PCr sont utilisés rapidement, contrairement au modèle traditionnel selon laquelle la PCr est utilisée en premier avant le début de la consommation d'oxygène.
- Tous les processus énergétiques se chevauchent dans le temps, et le laps de temps est en millisecondes contre quelques secondes à quelques minutes, cela se produit beaucoup plus rapidement que ce que le modèle traditionnel suggérait.
Ce modèle reste un modèle et il est par définition réducteur. Ce modèle ne prétend pas être exact car il sera toujours une simplification de la réalité, mais le but est de tendre le plus possible vers la réalité.
Ce modèle représente une moyenne et ne prend pas en compte le profil physiologique individuel de chaque athlète. En effet, tous les individus fonctionnent différemment, l’entraineur doit comprendre le fonctionnement de son athlète et faire en sorte que l’entrainement s’adapte à l’individu. C’est pour ça qu’il n’y a pas de recettes magique et applicable à tout le monde dans l’entrainement.
– Brooks, G. A., Arevalo, J. A., Osmond, A. D., Leija, R. G., Curl, C. C., & Tovar, A. P. (2021). Lactate in contemporary biology: a phoenix risen. The Journal of physiology, 10.1113/JP280955. Advance online publication. https://doi.org/10.1113/JP280955
– Brooks GA. The "Anaerobic Threshold" Concept Is Not Valid in Physiology and Medicine. Med Sci Sports Exerc. 2021 May 1;53(5):1093-1096. doi: 10.1249/MSS.0000000000002549. PMID: 33844671.
– Chung et al (1998) Metabolic Fluctuation During a Muscle Contraction Cycle. The American Journal of Physiology.
– Drouin et al (2019). Fatigue-independent Alterations in Muscle Activation and Effort Perception During Forearm Exercise: Role of Local Oxygen Delivery. Journal of Applied Physiology.
– George A. Brooks (2020). Lactate as a fulcrum of metabolism. Exercise Physiology Laboratory, Department of Integrative Biology, University of Caroline, Berkeley, CA
– Haseler LJ, Hogan MC, Richardson RS. Skeletal muscle phosphocreatine recovery in exercise-trained humans is dependent on O2 availability. J Appl Physiol (1985). 1999 Jun;86(6):2013-8. doi: 10.1152/jappl.1999.86.6.2013. PMID: 10368368.
– Jensen et al (2011). The Role of Skeletal Muscle Glycogen Breakdown for Regulation of Insulin Sensitivity by Exercise. Frontiers in Physiology.
– Llavero et al (2019) McArdle Disease: New Insights into Its Underlying Molecular Mechanisms. International Journal of Molecular Sciences.
– Lucas Guimarães-Ferreira (2014). Role of the phosphocreatine system on energetic homeostasis in skeletal and cardiac muscles. Einstein (Sao Paulo)
– McCully et al (1994). Simultaneous in Vivo Measurements of HbO2 Saturation and PCr Kinetics After Exercise in Normal Humans. Journal of Applied Physiology.
– Poole DC, Rossiter HB, Brooks GA, Gladden LB. The anaerobic threshold: 50+ years of controversy. J Physiol. 2021 Feb;599(3):737-767. doi: 10.1113/JP279963. Epub 2020 Nov 19. PMID: 33112439.
– Rogatzki et al. (2015). Lactate is always the end product of glycolysis. Frontiers in Neuroscience.
– Rossiter HB, Ward SA, Kowalchuk JM, Howe FA, Griffiths JR, Whipp BJ. Dynamic asymmetry of phosphocreatine concentration and O2 up- take between the on- and off-transients of moderate- and high-intensity exercise in humans. J Physiol 541: 991-1002, 2002.
– Sahlin et al. (2009). Resynthesis of Creatine Phosphate in Human Muscle After Exercise in Relation to Intramuscular pH and Availability of Oxygen. Scandinavian Journal of Clinical and Laboratory Investigation.
– Shulman et al. (2001). The “glycogen shunt” in exercising muscle: A role for glycogen in muscle energetics and fatigue. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.